Avec Le destin de Narimane, Katia Hacène nous fait vivre un moment captivant, presque précieux, qui nous tient jusqu’à la toute dernière ligne où on espère d’ailleurs pouvoir lire son bonheur. Extrait….
Chapitre 1
Au début des années 90, Narimane vit dans un appartement coquet situé au centre d’Alger. C’est une jeune femme plutôt mince et élancée. Ses grands yeux noirs et son nez rectiligne ornent son visage ovale, tandis que sa belle chevelure brune et ondulée fait l’admiration de tous. Après avoir poursuivi ses études secondaires au sein d’un établissement réputé de la capitale algérienne, mais n’ayant jamais obtenu son baccalauréat, elle s’est orientée vers le secrétariat. Fille unique, elle a toujours été la fierté de ses parents qui n’ont jamais pu avoir d’autres enfants, surtout le garçon tant désiré. A trente-cinq ans, Elle vient d’épouser Rachid Hafdi à peine plus âgé qu’elle, homme de tempérament plutôt posé, réservé et introverti, au physique banal, fidèle à sa petite moustache brune, technicien au sein d’une importante entreprise en bâtiment. Tous deux forment un couple souvent envié, ce qui inquiète khalti (tante du côté maternel) Dahbia, grande tante de Rachid, très superstitieuse qui met ses neveux souvent en garde contre le mauvais oeil auquel elle croit fermement :
– Belekou l’aïn ! (Méfiez-vous du mauvais oeil !) : leur répète-t-elle souvent. Les regards sont trop braqués sur vous. Pour chasser le mauvais oeil, il faut jeter régulièrement une poignée de sel dans l’évier ou dehors après l’avoir tournée sept fois autour de vos têtes. Puis, s’adressant à Narimane : – Quant à toi, ma fille, tu ne ferais pas mal d’aller voir un marabout et de porter une khamsa (main de Fatma).
Chacun de ces conseils provoque des éclats de rires :
– Ne fais surtout pas attention à ce que dit ma tante, dit Rachid à sa femme. Elle a toujours été ainsi et ce n’est pas à son âge qu’elle changera. Afin de pouvoir subvenir aux besoins du foyer, Rachid connaît des journées de labeur chargées et parfois très difficiles. Femme moderne au foyer, Narimane cultive son désir de devenir mère ce qui provoque souvent la discorde au sein du couple :
– Bien sûr, plus tard nous auront des enfants, lui promet son mari, seulement rien ne presse ; tu sais très bien que nous ne sommes pas encore suffisamment aisés pour pouvoir nous occuper convenablement d’un enfant. Actuellement, nous pouvons tout juste faire face au coût élevé de la vie. Elle proteste énergiquement. Elle désire avoir rapidement un bébé d’autant plus que ses parents sont prêts à aider le couple. Mais Rachid s’y oppose : – Ce n’est pas à tes parents à élever nos enfants, c’est à nous d’assumer et pour le moment, nous n’en avons pas les moyens, à moins que tu veuilles faire comme les voisins qui passent leur temps à procréer à « tout vent » alors que notre pays ne parvient pas à contrôler cette démographie galopante. Ne vois-tu pas tous ces gosses dans la rue livrés à eux-mêmes ?
– Mais je ne vais tout de même pas avoir un enfant à quarante ans ! : hurle-t-elle. D’ailleurs, je ne suis pas la seule à penser cela. Ta mère me le répète suffisamment. Elle aimerait que nous ayons une descendance et c’est tout à fait normal ! Déjà, pour te marier, tu as voulu attendre d’avoir un logement et maintenant pour être père tu veux encore attendre. Attendre ! attendre ! attendre ! mais en attendant, c’est le cas de le dire, le temps passe et lui ne nous attend pas.
– Dans quelques temps, les affaires devraient s’arranger ; je serai promu et nous en reparlerons. En attendant, s’il te plaît ne te laisse influencer ni par ma mère ni par d’autres. Si tu écoutes ma mère, tu ne t’en sortiras plus. Pour l’instant elle veut qu’on ait un enfant et tu verras que si on a une fille, elle voudra qu’on ait un garçon et quand on aura le garçon, elle nous demandera d’en avoir un autre et ainsi de suite. Ma mère est très gentille mais elle est comme ça. – Si tu m’avais laissée continuer à travailler, nous ne serions pas là à compter nos sous. Je ne vois pas où était le problème puisqu’une voiture du personnel passait me prendre et me ramenait chaque jour. – Ton lieu de travail se situait trop loin, réplique-t-il sérieusement agacé. Avec le climat d’insécurité actuel, il n’était pas question que je te laisse aller sur les routes avec qui que ce soit et encore moins dans des véhicules d’entreprises qui sont des cibles d’attentats.
Les jours passent et Rachid demeure réfractaire à la paternité …
22 septembre 2007