La nouvelle collection couture automne/hiver 2020 du couturier français Alexandre Vauthier est inspirante et captivante. Deux pièces en particulier retiennent notre attention car elles reproduisent à l’identique la célébrissime veste algéroise richement brodée de fil d’or : le karakou.
Cette histoire aurait pu passer inaperçu si une certaine modeuse du nom de Ines Aktouf n’avait pas fait remarquer au styliste sur son compte Instagram qu’il aurait été préférable de mentionner la source de son inspiration. Ce à quoi, le styliste – ou son community manager – répond que Monsieur Vauthier s’est inspiré du costume des académiciens français et de la culture orientale qu’il “affectionne particulièrement”.
Voici une capture de la discussion :
et badaboum !
Il n’en fallait pas plus pour faire flamber la toile algérienne sur Instagram et déclencher un déferlement de messages de protestation de la part de nombreux internautes algériens. La star algérienne du ballon rond Sofiane Feghouli est également intervenue sur le post avec le hachtag #algerianstyle.
Le problème est que le styliste s’est largement inspiré, pour ne pas dire, plagié le karakou algérois avec un manque de transparence flagrant. Pire, il semblerait qu’il n’était pas au courant de l’origine de cette tenue sud-méditerranéenne, qu’il a inclus dans la culture orientale. Une erreur de jugement qui contribue pourtant à un buzz (good ou bad-buzz le buzz est là) puisqu’à l’heure où nous bouclons cet article, le post polémique cumule pas moins de 18600 messages.
Ce n’est pas la première fois qu’un styliste est accusé d’appropriation culturelle. Des grands noms de la mode tels que Marc Jacobs ou encore Stella McCartney ont déjà été épinglé en raison de leur manque de transparence intellectuel ou artistique.
Est-ce vraiment une appropriation culturelle ?
De nombreux scandales et polémiques ont éclaté aux États-Unis avant que l’appropriation culturelle revienne au coeur des débats. L’appropriation culturelle est le vol d’un symbole, d’un vêtement ou d’un héritage issu d’une culture “minoritaire” qui sera exploitée commercialement par une culture majoritaire. Même si la définition de l’appropriation culturelle est claire, sa traduction reste floue.
Si l’emprunt et le mélange d’influences permettent de développer la création, ce qui caractérise l’appropriation culturelle c’est le profit qu’un groupe en tire vis-à-vis d’un autre. Si les influences contribuent à la création, l’appropriation culturelle pose problème car il ne s’agit plus d’un échange entre deux cultures mais seulement d’une domination culturelle.
Le karakou est victime de son succès puisque ce n’est pas la première fois que des stylistes de renom incluent des modèles de vestes karakou dans leur collection, le problème est que la majorité de ces stylistes n’ont jamais pris la peine de déclarer la source de leur inspiration.
L’Algérie dispose d’un patrimoine vestimentaire varié d’une valeur inestimable mais mal exploité et peu connu à travers le monde. Il n’est donc pas étonnant qu’un styliste ne soit pas au courant qu’une veste de velours brodée est un karakou. Alexandre Vauthier ne devait certainement pas s’attendre à recevoir une avalanche de messages de la part d’internautes algériens lui reprochant une appropriation culturelle du karakou.
Peut-on vraiment en vouloir à Alexandre Vauthier (qui a rectifié son erreur depuis) sur ce point sachant que depuis des décennies, des couturiers tels qu’Yves Saint Laurent, Lacroix ou encore Elsa Shiaparreli se sont inspirés du karakou sans jamais le mentionner. La maison Lesage, spécialisée dans la broderie élaborée nécessitant un savoir-faire d’exception (à l’image des petites mains algériennes qui travaillent pour un salaire au lance pierre) a brodé plusieurs vestes pour différents stylistes en utilisant la technique particulière des broderies algériennes au fil d’or comme la fetla ou le mejboud.
Pensez-vous donc qu’il s’agit vraiment d’une appropriation culturelle voir même d’un pillage culturel ? Peut-on considérer la culture comme une propriété privée ? En l’occurrence, peut-on considérer qu’une veste cintrée avec des broderies d’or doit forcément être assimilée à un karakou ? Votre avis nous intéresse.
4 commentaires
Il a mis le hashtag pour que les gens qui s’interessent à la polémique puissent trouver sa réponse.
Entre parenthèse les vestes en velour brodées en France étaient très proche de ce qu’il a réalisé voir le 18e siècle.
C’est un faux débats, les créateurs ne parlent jamais de leur inspirations ou alors ils sortent des trucs complètement perché.
Et qu’en bien même certaine inspirations sont indétectables pour le créateur lui-même.
Mina le hachtag karakou a été ajouté après qu’il a reçu les critiques. C’est vrai que ces vestes ressemblent au karakou, il a également réalisé un badroune dans une autre pièce sans citer ses sources inspiratrices. Faut dire que l’Algérie ne fait plus rêver depuis bien longtemps et les couturiers haute couture vendent du rêve,
Sauf qu’il a bien hashtagué dans son post #karakou donc l’inspiration du karakou algerian est bien présente
Moi je pense que cette polémique n’a pas lieu d’être car il a raison les académiciens français portent le même style de veste. Et les matadors espagnols portent aussi des vestes brodées ? Non ??
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/lhabit-vert-et-lepee